lundi 29 septembre 2008

Pour finir sur cette question

C'est un véritable enjeu pour un écrivain d'être lu, et c'est de toute façon assez difficile qu'il soit publié ou non par une maison d'édition. Dans le fond, le contexte actuel n'y change pas grand chose: un écrivain a toujours dû faire preuve de ténacité pour obtenir cette reconnaissance tellement briguée. C'est lui et toujours lui qui tient sa propre légitimité à exister comme il s'est défini. Ce n'est pas la maison d'édition qui fait l'écrivain ; en enfonçant cette porte ouverte, on s'ouvre aussi la possibilité mentale de s'autonomiser par rapport à cette question. L'écrivain doit créer sans s'interroger sur le devenir de sa création ; s'il est édité rapidement, tant mieux pour lui. S'il ne l'est pas, il ne doit pas agréger toute son activité à cette question. J'en sais quelque chose...
Bien sûr, il y a le découragement, bien sûr, il y a le doute sur le contenu même de ce qui est écrit : c'est une voie un peu sacerdotale parfois. Et l'envie de renverser la vapeur : après tout ne serait-il pas plus normal que les éditeurs cherchent un peu pour nous trouver ? Nous entretenons trop leur autorité en leur présentant sans qu'ils le demandent (et sans qu'ils le désirent parfois) le fruit de notre travail. On les blase, on les ennuie ; ils deviennent de vieux rois fatigués et capricieux, qui au fond d'eux méprisent les doléances de leurs sujets. Ils savent ce pouvoir qu'ils ont sur nous,même s'il les dégoûte. Ca fait partie de sale boulot que de dire "non". Et il y a toujours un sale boulot, y compris dans les métiers les plus nobles : un prof qui met un zéro, un médecin qui vous annonce le pire, un fleuriste chargé de décorer la tombe d'un proche. La basse besogne en un mot. Les éditeurs, eux, ne sont pas bien fiers des lettres type qu'ils envoient, mais le nombre, le nombre...un vrai peuple d'insectes ces écrivains ! Ils sortent de partout comme les cafards le long des tuyaux souterrains. L'insecticide pour les écrivains, c'est la lettre-type. Avec ça, y'en a pléthore qui vont se retourner sur leurs carapaces, les pattes en avant, à brasser du vent jusqu'à l'agonie. Ca gueule un coup contre notre boulot, mais ils rêvent que d'une chose ces prétentieux d'écrivains, c'est de pavaner dans nos bureaux à lancer moitié-des gentillesses, moitié-des-mots-d'esprit à celui qui les fait vivre, exister, "mon éditeur" comme ils disent -et il faut bien appuyer sur le possessif, car c'est des relations privilégiées, pas de la vassalité ! Ah ce tact avec lequel je ne lui montre jamais ô combien il dépend de moi.




dimanche 28 septembre 2008

Quelques paradoxes éloquents.

Dernière tournée dans Les correspondances de Manosque. Une conférence que je ne veux pas rater portant sur les difficultés de l'édition. Je suis au plus haut point intéressée par ce débat car moi-même, je me demande depuis quelque temps quelle est la manière la plus favorable d'être lue. Aucune solution en fait n'est simple. Voici ce qu'en disent les éditeurs eux-mêmes.
D'abord, les problèmes économiques qu'ils rencontrent sont réels ; ils tiennent bon, mais les grands groupes sont là, menaçants de puissance et pleins du désir de les "avaler". Les librairies, les supermarchés ne donnent de visibilité qu'aux livres dont le succès est prévisible. La critique joue encore son rôle de prescripteur mais les lecteurs n'écoutent plus : la masse des écrits complexifie les choses : qu'acheter, que lire ?
Et les écrivains dans tout ça ? Soit ils bénéficieront d'une couverture médiatique -auquel cas ils peuvent prétendre à un petit succès -, sinon -comme c'est la plupart du temps le cas-, les oubliettes...
Néanmoins, les éditeurs conservent des poches d'optimisme quelque soient les dangers ; et le nouveau danger s'appelle Internet.
Quand, timidement et peut-être maladroitement, j'ai suggéré que du point de vue de l'écrivain, ça pouvait constituer un bon outil pour y exposer sa création, ils m'ont tous répondu d'une même voix que la maison d'édition constituait le passage obligé pour obtenir une reconnaissance. Il est normal qu'ils prêchent pour leur paroisse, mais tout de même, un paradoxe me frappe : d'un côté, ils souhaitent qu'on leur envoie des manuscrits pour être les seuls à décider de la publication de tel ou tel, de l'autre, c'est tout juste s' ils répondent quand on leur en envoie. Ensuite, les enjeux pour l'écrivain et pour l'éditeur ne sont pas nécessairement les mêmes : un écrivain sait bien qu'il ne peut pas faire fortune avec ses livres (sauf rares exceptions). Le plus souvent, il écrit pour être lu et pas pour des raisons économiques. Alors, pourquoi le net ne serait-il pas aussi un bon moyen pour lui d'être lu ? Au moins partiellement...Par touches, par extraits...et plus si affinités.
Personnellement, je ne pense pas que les deux approches soient contradictoires. Après tout, la reconnaissance est parfois si longue à obtenir que l'envie de court-circuiter les maisons d'édition se fait naturellement sentir ; il nous vient comme l'envie de croire qu'on peut y arriver tout seul. Et peut-être que cette histoire de "label" indépendant n'est qu'une illusion suplémentaire ; alors, si tel est le cas, venez à moi, maisons d'édition, détrompez-moi de votre cohérence...

vendredi 26 septembre 2008

L'écrivain ; un homme de service public.

Dans mon billet d'hier, j'évoquais la façon dont les gens envisageaient et fréquentaient les manifestations littéraires. Aujourd'hui, je voudrais ramener ces remarques à la réflexion qui m'occupe depuis le début de la création de ce blog : si l'écrivain a modifié son rapport au public, son travail s'en ressent-il ? Les enjeux de son écriture ne s'en voient-ils pas eux aussi changés ?
L'écrivain est devenu cet être consensuel, charmant, abordable. De l'artiste à son art, il n'y a qu'un pas : son oeuvre, il la veut pleine de son humaine tendresse dont le monde manque tant. Il n'a pas l'intention de mettre la pagaille, de foutre le bordel, de s'attirer la haine. Qui viendrait communier avec lui dans sa tournée de communication s'il se montrait odieux ? Non, il doit satisfaire à la demande des comités de lecture, des manifestations littéraires dont chaque ville se revendique. Il est à son stand, fidèle au poste et tel le fonctionnaire consciencieux, il signe ses dédicaces comme le guichetier applique son timbre à date sur l'enveloppe. C'est le service au public, le service après-vente de la littérature, pour paraphraser une célèbre émission de télé. Quant au débat de fond, on peut toujours se cogner. La polémique est rare. Le public réclame la "sensibilité" de l'artiste et non ce qui justifie sa présence, c'est à dire le regard acéré qu'il porte sur un monde, qui profus de complexité, fait peur. Et si l'écrivain lui-même, en réduisant l'espace qui le sépare de ses lecteurs, finissait comme eux par se gargariser du spectacle qu'il leur offre ? En les côtoyant si régulièrement ne se prive-t-il pas de la liberté de tenir des propos subversifs qui pourraient leur déplaire ?
Mais peut-être l'écrivain n'est-il que le maillon plus large d'un système économique (distribution, maison d'édition, imprimerie) qui est extrêmement difficile à intégrer et probablement fou de dénigrer quand il y est parvenu. D'ailleurs, une fois publié, il lui faut songer à se vendre pour que toute la filière derrière lui s'y retrouve. Mais pour que la littérature se recentre sur ses enjeux, ne faut-il pas réfléchir d'ores et déjà à modifier ce système ?
Une idée, que j'essaierai de mettre en application rapidement : l'écrivain présente son livre, en donne quelques extraits emblématiques et lance une souscription : que toute personne qui désire son livre, paie le papier, l'encre et la reliure. Ainsi, l'écrivain ne perd et ne gagne rien ; quant au lecteur, s'il n'aime pas le livre, il n'aura déboursé que le prix du papier et de l'encre. Et pourquoi ne pas commencer entre nous ?

jeudi 25 septembre 2008

Le charme très discret de la province...

Les Correspondances à Manosque : c'est l'évènement culturel de l'année qui fait sortir la ville de sa léthargie. En cinq jours défilent des dizaines d'auteurs qui viennent déclamer sur la place leur prose faisant entendre, au milieu des curieux, "l'ineffable musique de leurs textes". On en entend des mots à cette occasion ! Jusqu'à s'en étourdir, jusqu'au moment où on n'entend plus rien... Mais sevrés d'animation culturelle tout le reste de l'année, les manosquins se pressent là, au milieu des platanes et des pastis pour prendre leur dose de "littérature" et repartir contents d'avoir capté quelques fragrances mystiques de création. Surtout, c'est l'écrivain qu'on veut voir, approcher et pourquoi pas, sentir. Il se prête volontiers d'ailleurs au goût curieux qu'ont les gens de l'interroger sur des détails : "écrivez-vous avec votre sergent major ou directement sur ordinateur ?" et l'artiste, dans son auguste patience de répondre, comme s'il livrait la clé fondamentale qui ouvre à son imaginaire : "je remplis des pages de brouillons avec mon bon vieux stylo à plume avant que de tâter du traitement de textes" ; l'expression "tâter du traitement de textes" ne manque pas d'amuser les plus fins, les plus spirituels de cette assemblée, dont et d'après mon sondage, la majorité n'a pas ouvert une page d'un de ses livres. Non, on vient regarder, et surtout, on vient vivre un "grand moment de culture" pour affirmer son appartenance à "ce grand tout culturel" qui fait la différence sociologique entre ceux qui en sont et ceux qui n'en sont pas. Le spectacle culturel comme le nec plus ultra de la consommation.
Mais de cynisme, point trop. Il fut donné à entendre de vrais bons musiciens avec un vrai bon texte, et le charme opéra. C'était Yann Aperri , et celui-là ne se contente pas de blablater : il chante et finalement c'est beaucoup mieux pour entendre "la musique des mots".

Enfin donc, pour être lu, faut-il être de toutes ces manifestations ? Ecrivain la nuit, communiquant le jour ? C'est une question tout de même...

mardi 23 septembre 2008

Peur de répondre à ça ?

Hypothèse de frilosité -suite-.
Mon roman Une moitié d'homme, qualifié de "fort" par une maison d'édition, n'a pas persuadé cette dernière de le publier ; serait-ce pour ça?
"Mes parents quoique de condition sociale simple s'"ambitionnaient" à travers moi, mon frère et ma soeur ; les Algériens qui avaient grandi dans le même immeuble de notre sinistre banlieue, éprouvaient trop de ressentiment envers la France pour nourrir un quelconque espoir de réussite ; et le racisme se confondant en lutte sociale à cette époque, le succès des uns vivant pourtant dans les mêmes conditions rencontrant l'insuccès des autres, transforma les "frères ennemis" en ennemis tout court. De fil en aiguille, les chiens de faillence laissèrent place aux pitbulls (...)"
ou encore pour ça ? :
"C'était le temps des gentilles prêches de SOS racisme et du petit badge en forme de main "touche pas à mon pote". J'en avais acheté un au marché de la ville un mercredi matin. Je l'avais choisi jaune, clin d'oeil de l'Histoire. Mais pour mes les copains arabes, c'était vraiment le moyen d'acquérir une dignité tout en continuant à détester copieusement la France qui ne "cessait de les humilier". Mais du jour où leur statut de victime est tombé, notamment avec la poussée de l'extrême droite, ils ont eu la très mauvaise idée de s'en prendre à la minorité qui leur renvoyait une image inversée, les Juifs. Les Palestiniens leur venaient en aide, donnant à l'artefact de leur rébellion contre les "sionistes" un tour sincère. Encore un tour de piste aussi pour les media et les politiciens, qui incapables de remédier à la violence des banlieues et en prenant parti d'abord pour la cause palestinienne, ont fait absorber le problème par la minorité la moins représentative démographiquement.
Solution de facilité, solution de cynisme dans un pays où les arabes sont dix fois plus nombreux que les juifs. Et c'est ainsi, que mon enfant de dix ans, mon petit Raphaël s'est vu traiter de "sale juif" et même "que Hitler, il a pas fini le travail".
Un matin, la directrice de l'école m'appelle(...)"

lundi 22 septembre 2008

Des questions qui dérangent en littérature

Pour rebondir sur la question laissée en suspens hier, j'ai choisi aujourd'hui de livrer un extrait d'Une moitié d'homme, et précisément un extrait susceptible d'effaroucher les maisons d'édition, les petites comme les grandes :
[situation : Benjamin revient sur ce qui l'a conduit à quitter son pays d'origine, la France, pour aller s'installer en Israël. C'est une période difficile pour les Juifs de France : des actes antisémites sont régulièrement perpétrés par des musulmans s'identifiant aux Palestiniens. Voici ce que Benjamin pense de l'attitude de la France et plus généralement des Occidentaux pendant cette période]
"Il faut donc remonter à septembre 2000, période marquée par les prémisses de la seconde intifada. Pour les gens de ma génération, ce fut un choc. Non pas d'entendre les querelles partisanes beugler plus haut qu'avant, mais d'assister pour la première fois depuis la seconde guerre mondiale au retour de violences contre des juifs parce qu'ils étaient juifs : un homme portant une kippa se vit passer à tabac, une école juive pour enfants de maternelle fut incendiée à Marseille. Devant mon écran de télé, ma tête chauffait à gros bouillons. Le mot"juif" me rendait nerveux : j'appréhendais le moment où il allait être prononcé par le présentateur télé soit pour annoncer les chiffres de la boucherie du jour dans un attentat suicide en Israël, soit pour "évoquer les actes de minoritaires contre la communauté israélite dans les banlieues". Ici ou là-bas, il faisait mauvais être juif. Où se planquer en ce bas monde ? A affaire planétaire, pogrom planétaire ? Quelque instinct m'indiquait -qu'au-delà des efforts accomplis pour "raison garder" à propos de ces "petits débordements"-, qu'Israël parce que c'est un pays de Juifs allait devenir le problème existentiel du monde monothéiste."
Question : est-ce le genre de passage anxiogène qu'une maison d'édition redoute de publier ? Manque de distance ? Pusillanimité ? Allons, ô Maisons ! Encore un effort s'il vous plait ! Même en ces temps difficiles, la renommée peut surgir du courage !

dimanche 21 septembre 2008

Peut-on parler des sujets qui fachent ?

La semaine "no comment" est passée, juste le temps d'installer quelques idées et de préciser ma démarche. Merci à ceux qui passent par là d'apporter une touche de réflexion à ce que peuvent être les enjeux de la littérature contemporaine en évitant les jugements à l'emporte-pièce.
Voici d'ailleurs une interrogation toute personnelle par rapport à ces enjeux.
Il y a quelque temps, j'ai envoyé à quelques maisons d'édition un manuscrit portant le titre Une moitié d'homme. Deux maisons ont répondu assez gentiment dont les Editions du Rocher m'indiquant que "le manuscrit comporte de vraies qualités". Ca fait toujours du bien et ça encourage même si le manuscrit lui-même n'est toujours pas édité. (mais peut-être le sera-t-il bientôt...). D'autres l'ont lu, dont un ami édité depuis longtemps dans la même prestigieuse maison : il l'a recommandé auprès de l'éditeur mais m'a avertie du "caractère un peu sulfureux et pas très consensuel du sujet" et du fait que "ça pouvait refroidir".
Il m' a toujours paru pourtant évident (et peut-être naïvement) que la littérature formait un espace à secouer les tabous. Mais pour que vous puissiez vous rendre compte par vous-même, je vous livre tout de suite le synopsis d'Une moitié d'homme :
Benjamin Kahn a, comme certains de ses corréligionnaires français, émigré en Israël durant la période très sensible de la seconde intifada ; il l'a fait autant pour des raisons personnelles qu'idéologiques. Mais aussitôt arrivé sur la terre promise, il saute sur une bombe et fait un séjour prolongé chez les grands brûlés à l'hôpital Hadassah de Jérusalem. Gravement mutilé, il n'a guère d'autre option que de méditer sur sa vie et sa condition d'homme juif en France. L'ennui, le vide spirituel, la médiocrité de la société de consommation lui ont fait faire le choix radical d'intégrer un mouvement politique prônant le "grand Israël" depuis la France ; mais Benjamin ne soupçonnait pas que là-bas, en Israël, les bombes ne transportent pas que des mots.
Donc, ce roman aborde un thème délicat : le conflit israëlo-palestinien et la réaction identitaire qu'il a engendrée. J'ai voulu aussi répondre à la question : qu'est-ce qu'être juif aujourd'hui en France d'abord, en Israël ensuite ?
Ce sujet peut-il faire peur à une maison d'édition ? Je n'ose le croire.
La réflexion politique dans la littérature est-elle possible ou bien n'admettrons-nous comme réflexion politique que les goguenardises à l'endroit de Sarkozy et sa femme auxquelles se sont livrées les plus brillantes plumes ?
Je n'ai pas la réponse mais je m'interroge un peu quand même.

samedi 20 septembre 2008

de la nécessité d'être lue.

Je sens bien le paradoxe qu'il y a à désirer être lue et à ne pas laisser les commentaires s'afficher, même s'il est possible dorénavant de m'envoyer un mail. Certains préfèrent les humiliations publiques et ne pas s'attaquer à des gens trop installés (ça demanderait trop de courage alors que l'écrivain non encore publié constitue une cible bien plus facile). Je sais aussi qu'à partir du moment où l'on déclare ne pas être publié, on est perçu comme un faiblard de la littérature ; la caution de la maison d'édition semble plus que jamais nécessaire pour prétendre au droit de créer. Sous prétexte de parole démocratique, certains s'emportent dans une sorte de darwinisme du jugement, l'opinion souveraine (et souvent sybilline) de la maison d'édition s'en faisant le support, malgré elle. Consciente de cet écueil, la maison Léo Scheer a adopté une politique intéressante à l'égard de ces voix nouvelles qui émergent chaque jour : la mise en ligne des manuscrits des auteurs qui présentent leurs textes sans filet, sans relecture ni correction, sans a priori ni positif ni négatif.
En ce qui me concerne, j'ai fait la démarche d'envoyer deux de mes nouvelles "l'Echange" et "L'éditeur et le néant" qui sont aisément consultables et pemettront à ceux qui me font l'honneur d'ouvrir ce blog de temps à autre, de prendre connaissance in extenso de quelques échantillons de mon travail.
Un mot sur ces nouvelles : L'éditeur et le néant a été conçu quasiment pour figurer dans les pages du site qui l'héberge. Il s'agissait d'utiliser cette entrée pour réfléchir, au sein même de la maison d'édition, une image de ce que l'on se figure de la maison d'édition, de ses pratiques, de son éthique. Je suis partie bien sûr de mes propres fantasmes, mais surtout de mon expérience et de l'expérience de tant de gens qui n'aspirent qu'à la reconnaissance. La vengeance de l'héroïne contre l'éditeur est pensée comme un acte cathartique. Il y est donné à voir le désir de mort que tout un chacun projette sur l'autorité accréditée à nous donner de la reconnaissance mais qui s'y refuse.
L'autre nouvelle, L'échange est plus volontiers légère, mais reprend quand même une thématique contemporaine : la pornographie. Qu'en faire dans la littérature ? La laisser au bord du chemin dans sa froide technicité ? ou bien l'introduire dans un apprentissage, dans une connaissance de soi ? Plutôt que de la cantonner au rebut, on pourrait se demander ce qui peut se jouer là-dedans...

jeudi 18 septembre 2008

Proposition ouverte pour un mouvement

Tout personne désireuse de m'envoyer un mail peut enfin le faire, simplement. Il suffit de cliquer sur "afficher mon profil complet" puis sur "contact e-mail". Si certains des textes ou des interventions me semblent pertinentes, je ferai bien sûr au préalable une demande d'autorisation à la personne concernée avant que de les publier sur ce blog.
Pour revenir à l'idée d'un mouvement de littérature dite de facture classique contemporaine lancée hier sur cette page, j'avance quelques pistes :

1) que la forme ne découle pas d'un tour de force esthétique "à la manière de" telle ou telle écriture dite contemporaine.
2) que l'écriture ne se contente pas de décrire un état du monde : une analyse nourrie de tous les champs de connaissance doit précéder l'acte créatif. (anthropologie, psychologie, histoire, témoignages). Il faut savoir où l'on va quand on prend sa plume.
3) que l'intime -comme forme de discours- n'oblitère pas le monde extérieur : on essaie toujours de relier le privé à la marche de la société.
4) les personnages doivent vivre des expériences emblématiques de leur société.
En France, à l'heure actuelle, un écrivain comme Michel Houellebecq répond tout à fait à ce que la littérature peut incarner dans une époque comme la nôtre. Ce qui est intéressant dans son travail, c'est que les connaissances scientifiques (clonage, informatique), une observation sociologique (le tourisme de masse, les sectes) investissent la fiction ; du coup, l'expérience de tel ou tel personnage prend une dimension réflexive ; et en se renvoyant à nous, le réel pourtant opaque dans sa configuration initiale, est re-défini par le regard acéré de l'auteur qui en permet une lecture, une approche à la fois intellectuelle et sensible (la mise en forme).

mercredi 17 septembre 2008

De la voix narrative

Pour ma part, un des enjeux de la littérature contemporaine est de transcrire l'éclatement du monde contemporain. Par éclatement, j'entends la définition multiple, décentrée qu'un individu se donne de lui-même et l'impossibilité absolue d'observer le monde à travers le prisme unique de ses valeurs. De nombreux auteurs ont apporté des traductions esthétiques à cette complexité soit en multipliant les voix narratives, soit en superposant dans le discours les différentes strates de la conscience (comme l'oeuvre de Proust). Quand j'écris, je ne peux évidemment pas faire abstraction de toutes ces avancées ; mais le risque serait de s'imposer une trouvaille technique pour "faire du contemporain" : si Céline abonde dans le point de suspension, si Duras fait dans la succession de phrases brèves et elliptiques, dois-je, pour prétendre au titre de "contemporain" déstructurer à mon tour le fil de mon discours ? Je ne pense pas. Et j'irais même jusqu'à réaffirmer le rôle central du narrateur, auquel il faut pas prêter uniquement la fonction de narrer, mais d'analyser "l'éclatement". Voici une de ces tentatives dans un autre passage de L'âge de déraison : (précision : Arielle vient d'apprendre que Daniel, son ancien compagnon vit désormais auprès d'une de ses amies, une féministe ; elle traverse une période de solitude qui ne fera que s'intensifier tout au long du roman) :
"(...) Quand Arielle apprit les prémisses de cette relation, elle écuma de rage. C'est donc ça le post-féminisme ? Des femmes moches en tailleur avec des dents de requin ?
Arielle se retrouva très seule : ses infidélités confirmées par témoignage direct ne furent pas pardonnées. Sans le savoir, elle rendait un petit service à la collectivité, une occasion sans pareil de réfléchir aux affres du couple moderne. Chacun y allait de sa petite morale et finalement le commentaire de l'action fut plus riche que l'action elle-même -car, finalement quoi de plus courant à l'aube du troisième millénaire qu'un couple qui se sépare ?
Il semblerait pourtant que les déflagrations psychologiques émettent quelques réticences à être minimisées. Le drame privé ! Sans lui, la plate routine d'une vie régulée par le travail et l'argent. Et l'épanouissement personnel dans tout ça ? D'après le Marie-Claire qu'Arielle avait eu entre les mains dans la salle d'attente du dentiste, il passe par une vie amoureuse et sexuelle réussie. Pas question donc de transiger là-dessus ! Le mari bande-mou, dehors ! Les seins flasques de la cinquentenaire, exit ! Au pieu comme à l'entreprise ! Du chiffre avant tout !(...)"

Le narrateur a, au départ de ce passage, une position classique : il raconte "elle écuma de rage" ; puis il laisse la colère du personnage éclater en italiques avant que de s'approprier cette expérience isolée, singulière pour en tirer une observation sur les moeurs modernes. Mais le discours du narrateur est corroboré par une lecture de Marie-Claire rapportée par Arielle ; une ambiguïté de la voix narrative s'installe donc pour laisser place finalement à la seule voix du narrateur qui ironise sur la notion de performance dans la vie privée. Le narrateur relaye donc la conscience de l'héroïne en la suivant dans son sillage, mais surtout en extrapolant son expérience à celle de la société.
Il y a une posture "classique" dans cette façon de faire (classique au sens des moralistes du XVIIème siècle, dans le fait de tirer de l'intrigue particulière les lois universelles qui gouvernent les hommes), mais je la revendique pleinement ; disons que j'aimerais bien incarner, si cette école ou ce mouvement existait, le classicisme contemporain.

mardi 16 septembre 2008

Enjeux esthétiques et logiques de la suite del'incipit.

Après la page de journal intime qui forme l'incipit et dont la vocation est de permettre au lecteur de surprendre in medias res (au milieu des choses) l'héroïne en extase, deux possibilités ensuite s'offrent au créateur : soit il poursuit dans cette veine où la jouissance de l'intime s'auto-génère, soit il se demande au contraire comment positionner son personnage dans un espace critique qui conduit son image idéale du moi vers l'aporie. Pour ma part, j'ai choisi l'obstacle pour l'héroïne plutôt que la veine intimiste ; à cela deux raisons : l'une est d'ordre esthétique, l'autre est d'ordre logique. D'abord si je continue avec ce "je", à aucun moment une autre voix ne pourra se faire entendre : le rythme risque d'être monotone, l'atmosphère étouffante, et l'oeuvre nombriliste par absence de recul vis à vis de ce "je". Il m'est souvent arrivé de lire des oeuvres qui ne parviennent pas à sortir de cette ornière dans la littérature contemporaine française. Dans la logique de la narration, en employant continuellement "je", on risque d'épouser le point de vue du personnage et donc de priver le narrateur d'une lucidité dont précisément manque le personnage puisqu'il ne voit que lui. Or, si l'on veut que l'oeuvre ouvre sa focale sur le monde, il va falloir trouver le mode narratif le plus approprié à la fois pour rendre compte de l'intériorité du personnage et de ce qui l'entoure.
J'ai opté, donc, pour continuer l'incipit la narration omnisciente avec une grosse fréquence de point de vue interne :
"En relisant ces quelques lignes écrites dans son journal quelques mois auparavant, Arielle put vérifier une fois de plus que ni ses trente ans d'âge, ni la vie de couple n'avaient pu porter l'amour qu'elle vouait à un homme devant la griserie d'un plaisir solitaire. Il fallait peut-être y voir un problème physique, une difficulté concrète à obtenir une jouissance aussi intense seule qu'avec un homme. L'hypothèse lui semblait valable mais insuffisante : une défaillance si courante chez les femmes pouvait laisser supposer que l'orgasme n'était rien d'autre qu'un paroxysme d'excitation, qu'un mot enflé pour une réalité souvent moins éclatante. Pour elle, le sexe avec un homme ne pouvait être sur le plan des sensations physiques qu'un complet ratage ou une semi-réussite ; l'orgasme ? "un mensonge qu'on aime bien se raconter". L'illusion de part et d'autre était donc intégrale. Une mystification totale. Toutes ces salades sexuelles finissaient par l'énerver et invariablement, elle en revenait à ses habitudes de petite branleuse.
Arielle avait-elle pour autant renoncé à l'amour ? Non, car elle n'était pas femme à faire un choix aussi radical."

Mise au point sur la fonction de ce blog

Evidemment, des commentaires ont commencé à affluer versant soit dans l'éloge, soit dans le blâme : l'un me souligne que "la démarche est précieuse" l'autre catégoriquement -et de manière péremptoire- m'indique (sans vouloir être" désobligeant ou cynique" précise-t-il pour pouvoir laisser ensuite libre cours à sa hargne) que je ne fais pas de littérature contemporaine. Certains profitent des blogs pour "co-réflechir" quand d'autres l'utilisent pour affirmer une autorité qui doit leur manquer par ailleurs, en avançant masqué bien entendu. Ce blog vient à peine de démarrer que déjà un jugement sous forme de sentence définitive voudrait le discréditer ou au contraire le monter au pinacle.
J'essaie simplement, à travers ce blog, de démêler la démarche complexe de la création littéraire, pas à pas, avec le plus d'exigence possible tant pour ce qui est de l'acte créatif lui-même que pour les explications qui s'y apposent. Je ne prétends pas ici faire du billet d'humeur, du moins pour l'instant. Par ailleurs, si certaines personnes se sentent indisposées (pour je ne sais quelles raisons profondes ou superficielles), elles ont toujours la possibilité de se rabattre sur d'autres blogs, forts nombreux sur le même thème. C'est pourquoi, dans un premier temps -et pour que ce blog prenne tranquillement ses marques-, j'ai choisi de ne pas laisser les commentaires s'afficher pour une petite semaine. Néanmoins, ils me parviendront directement.
Par la suite, j'espère que les commentaires porteront sur le fond, c'est à dire : "qu'attend-on d'une oeuvre de littérature contemporaine ?"

lundi 15 septembre 2008

conception de l'incipit

Voici donc l'incipit de l'âge de déraison, c'est à dire le début à proprement parler du roman:
chapitre 1 : une page de journal
"17 octobre
Et soudain, je reconnais la vraie nature de mon désir : j'en suis la source et l'objet. Il se contorsionne violemment dans mon ventre jusqu'au niveau du nombril, dans un spasme douloureux qui le fait remonter jusqu'aux origines, à la source de toute vie. Voilà, j'y suis. Mes doigts jonglent avec le plaisir et l'envie si puissante que j'ai de moi-même de me fondre en icône du Désir. Je suis artiste et modèle en cet instant vital, inouï, crépusculaire. La beauté devient ma beauté par l'élasticité remarquable de mes doigts qui trouvent si aisément dans l'entrelacs de mes cuisses, le chemin de ma jouissance.
Qui en approcherait si aisément à part moi ? Je suis Reine Onaniste et toute puissante sur mon obscur royaume ; j'y ai dicté une à une ses règles à mes plaisirs en commençant par bannir quelques inhibitions de surface ; adolescente déjà, j'ai enfreint les frontières de lieu et de temps pour m'adonner à la satisfaction immédiate et répétée en plein après-midi, avant et après n'importe quelle activité. La discontinuité n'a pas d'importance : au contraire ! Quel délice de monter la trame de mes incongruités ! Etre sur la scène de mon théâtre social et coulisser dans le repli d'un plaisir auto-administré ! La condition sine qua non ?Etre seule, absolument seule pour ne pas être génée par un voyeur parasite qui me forcerait à moduler, à simuler la violence primitive de ma Sainte Branlette ; pour ne rien concéder, éloigner toute trace de présence masculine. Restreindre l'existence de l'homme à la figure rêvée de son érection. Voilà, je jouis.(...)"
Cet incipit comporte encore deux paragraphes, mais je pense que ces quelques lignes permettent de délimiter l'essentiel.
Comme je l'ai précédemment expliqué dans les pages de blog des deux jours précédents,
le personnage doit être le reflet d'une tendance lourde de la société contemporaine ; c'est dans cette optique que j'ai restitué une page de son journal (qui d'emblée témoigne d'une volonté de s'approprier un "je"non dévoilé à autrui) et qu'elle y relate avec application ce qu'elle éprouve en se masturbant. Autre chose de très significatif, elle prend plaisir autant à faire qu'à raconter et peut-être même que le fait de dire son plaisir le crée effectivement. Elle incarne donc bien la recherche assumé du plaisir solitaire comme de nombreux hommes qui se délectent devant la pornographie, sauf qu'elle est une femme. Plaisir et solitude sont des composantes qui me semblent traduire un transformation notable de la société dont les retentissements sur la psychologie sont nombreux : satisfaction dans cette page de journal mais aussi frustration
comme nous le verrons dans la suite du roman...

dimanche 14 septembre 2008

Premiers pas dans l'âge de déraison

Hier dans la première page de mon blog, j'ai livré les grands principes théoriques qui guident mon activité littéraire. Il est temps aujourd'hui d'en montrer les applications à travers un début de fiction. Il s'agit de mon premier roman L'âge de déraison. Je vais ensuite essayer d'expliquer la façon dont j'ai organisé, pensé ces premières lignes afin que le lecteur curieux du processus de création puisse trouver ici matière à satisfaction.
N.B : l'extrait de l'ouvrage présenté ici est protégé.
L'âge de déraison par Reine Bale.
"Préambule
Qui oserait affirmer aujourd'hui qu'il n'a jamais été tenté un jour de prendre sa plume et d'étaler, noir sur blanc, le fond de ses pensées ? Au moins s'agit-il de pouvoir exceller dans l'exercice très avancé du moi-je en toute occasion et dans n'importe quelle posture. Mais quoi ? Est-ce après tout si critiquable ? Il faut bien que l'humain, cette drôle de créature faite de chair et d'esprit, d'instinct et de volonté, et d'encore plein de choses très contraires s'y retrouve un peu. Alors c'est vrai, on a de l'égocentrisme partout, au boulot, à la télé, en confession en exhibition, en tout cas par wagons. Les wagons, ça déraille aussi. Ca penche souvent du côté fesses. Mais là aussi, faudrait pas être trop sévère. Depuis qu'on n'a plus de périodes de reproduction, les choses sont devenues bien compliquées. On s'y perd. Elle aussi s'y perd. Elle, c'est Arielle, mais c'est pas encore un lion. Loin de là. Elle aussi tenait son petit journal avec des bouffées d'égocentrisme pleins les naseaux, jusqu'à s'en écoeurer elle-même. Les effets secondaires de l'égocentrisme, ça peut mener très loin. Surtout quand tout le monde s'y met."
J'ai restitué ici l'intégralité du Préambule, c'est à dire du texte qui précède à proprement parler l'incipit (le début de l'intrigue). Je livrerai dans les jours qui suivent, les premières pages dites de "mise en place"du personnage, de sa problématique, de son entourage physique et humain.
Le préambule permet ici de donner le ton, de situer les enjeux : en l'occurrence, une forme de narcissisme étroitement liée à l'époque contemporaine. Le personnage sera donc le lieu de toutes les contradictions provenant de cette émancipation qu'est l'affirmation de l'individualisme et des excès qu'elle draine (égoïsme, indifférence). L'héroïne elle-même applique cette forme d'affirmation du "je" n'ayant au départ pas conscience d'écraser les autres "je" qui l'entourent, jusqu'au moment où elle devra en faire la douloureuse épreuve, dans sa chair même.
C'est pourquoi "Arielle n'est pas encore un lion".
Donc, ce préambule permet de fixer ma position d'auteur par rapport à mon personnage : il ne s'agit pas pour moi d'appliquer ce "grand déballage d'intimité" mais bien d'observer ce que cette tendance sociétale provoque "en situation", c'est à dire à travers un personnage qui recouvre de nombreux traits identifiables chez nos contemporains.
Mon projet est clair, mais de votre côté, comment l'avez-vous reçu ?

samedi 13 septembre 2008

Reine ouvre le bal.

Samedi 13 septembre 2008,

C'est le jour d'ouverture de ce blog. C'est incertaine quant à la façon dont il sera reçu que j'aligne ces premiers mots. Mais d'abord, les présentations : je m'appelle Reine Bale. Deux passions à mon actif : lire et écrire. Dans ce blog, je projette de partager des impressions de lecture qu'elles proviennent de ma plume ou de celle d'autres écrivains. Mes nouvelles et romans ne sont pas publiés ; mais justement, je cherche à être lue et commentée le plus possible afin de cerner la façon dont mes écrits sont reçus. Les quelques éditeurs contactés n'ont jamais eu l'obligeance de me renvoyer une vraie note de lecture ; sans doute sont-ils débordés, "assaillis" de toute part par les écrivains prétendant à la publication. Autre faute de goût importante, j'habite en province, loin, très loin des mondanités parisiennes et je n'ai aucun réseau ! Ce qui ne m'empêche pas (pour ceux qui en douteraient) de défendre une littérature résolument contemporaine. Avant de présenter quelques morceaux de mes écrits, j'aimerais en expliquer les fondements : pour moi, l'écriture ne procède pas simplement d'une impulsion mais bien d'une intention. Avant d'écrire, je prends la précaution de m'interroger sur les points suivants :

-la trame envisagée est-elle crédible ? Permet-elle au lecteur une identification possible ?

- l'intrigue soulève-t-elle bien une problématique contemporaine ? Répond-elle à des représentations sociales existantes ?

- l'exploration de l'intime -qui est au coeur de l'écriture contemporaine- ne risque-t-elle pas d'étouffer la possibilité d'une universalisation du propos ? A cet égard, il me semble fondamental que la réflexion sur le moi demeure toujours prétexte à prendre conscience d'un "nous". C'est du moins l'exigence qu'à titre personnel je me suis fixée. Autrement dit, écrire doit tendre vers quelque chose de déjà clarifié dans la conscience, d'une volonté propre d'externaliser sur papier la configuration d'un monde dont on désigne soi-même les contours. Par exemple, dans un de mes romans, L'âge de déraison, je raconte les désillusions d'une jeune femme qui tente d'être reconnue dans le milieu de la peinture. L'héroïne va traverser des étapes qui sont révélatrices d'une certaine évolution de la société : d'abord, à l'image de beaucoup de gens, elle pense mériter son succès (tout le monde aujourd'hui cherche la reconnaissance du plus grand nombre) puis, elle prend conscience que son art lui-même répond à des logiques économiques (évolution encore une fois remarquable de la société où même ce que l'on croit préservé de l'échange marchand répond aux lois de l'offre et de la demande) pour enfin plonger dans une forme de désespoir suicidaire (il ne s'agit pas de faire pleurer le lecteur, mais de relater un fait courant chez les jeunes de vingt à trente ans, à savoir que le suicide est la première cause de mortalité) dont elle se sortira, sans trouver pour autant de réponse définitive à ce que "vivre " veut dire. Ainsi, chaque fait, chaque geste de l'héroïne est à la confluence d'une expérience intime et de la marche générale de la société, le tout pris dans un mouvement dialectique.