Mon activité de blogueuse se fait désormais par intermittence. Des raisons profondes me font rompre avec la quotidienneté intrinsèque de ce support. D'abord, le passage d'un temps de création immédiate à un temps de création réfléchie, dilatée. Je rassemble les vues dispersées propres à mon sujet de nouveau roman ; la concentration liée à ce type de travail sonde les strates d'une conscience qui se modèle à une vision qui s'obscurcit et s'éclaire devant la mort : je ne veux pas démonter ou dénoncer la noirceur d'une civilisation qui parque les vieux en instance de mourir. Non, la chose est complexe. Les témoignages reçus sur ma boîte mail aussi bien que mes approches l'attestent. Rien n'est simple comme de mourir après avoir été dépossédé de son intégrité physique et intellectuelle pour soi et pour les proches ; les progrès de la médecine ne peuvent pas répondre à notre place à la question douloureuse de savoir si la longévité est en soi une chance. Il me semble que la philosophie et la littérature doivent se pencher avec précision sur de tels changements en s'efforçant de ne rien caricaturer. N'est-ce pas un peu le rôle des écrivains que de donner à voir, à comprendre, à sentir ? Ah, moi et ma conception traditionnelle de l'ouvrage littéraire...
La deuxième activité qui me fait déserter le blog est la vente de mon livre Civilisation perdue. Avec ce livre, je me suis lancée, mais bien volontiers, dans une sorte d'éducation populaire à la littérature ; j'ai rencontré des personnes de milieux très divers (les cafés où les chasseurs se réunissent par exemple !) pour leur parler de mon livre et pas seulement ; comme le sujet porte sur un cataclysme économique mondial, les débats ont eu bon train sur le climat économique actuel. Résultat : des efforts et beaucoup de plaisir. Cent livres écoulés, cent nouveaux livres tirés. D'ici Noël, j'espère les avoir vendus. Au niveau financier, pas de perte d'argent et plutôt du gain... et surtout un début salutaire de reconnaissance auprès de personnes qui vivent du livre (libraires, bibliothécaires). Souvent on me demande comment il se fait que les éditeurs ne l'aient pas publié et je réponds : ce n'est pas mon problème.
J'ai bien conscience qu'il aurait été préférable pour ma légitimité d'avoir été soutenue par un éditeur ; mais ma légitimité d'écrivain se construit pour l'instant d'une autre manière.
Je constate donc qu'il manque, comme l'a suggéré Dahlia dans un de ses commentaires, une structure intermédiaire entre l'auto-édition (qui est intéressante si elle est menée avec foi et conviction) et la maison d'édition parisienne qui devient difficilement pénétrable. Cette troisième division qui intéresse beaucoup un autre blogueur, Sébastien pour ne pas le citer, m'interpelle. C'est la troisième raison qui me pousse à réfléchir hors de ce blog en ce moment ; j'aimerais bien innover dans ce domaine, mais je dois, pour éviter le saut dans le vide, m'interroger sérieusement sur la faisabilité d'un tel projet.
A ce titre, toute suggestion sera la bien venue.
En attendant, je ferai le plus régulièrement possible état de mes avancées dans tous ces domaines...mais hélas sans la régularité quasi quotidienne.
3 commentaires:
Salut Reine c'est Benjamin. Récemment je me suis poser une certaine question qui s'est ammenée à moi par le truchement du prix goncourt ou autre, bref... En effet, pourquoi un écrivain français ne publierait il pas par exemple en anglais ? En France, nous avons le chic de louer un écrivain qui "abandonne" sa langue de sauvage pour utiliser la plus noble et d'ailleurs la plus belle et la plus parfaite de toutes les langues du monde ayant jamais été inventée : le français. Par exemple : Atiq Rahimi, Gao xingjiang, Ionesco et bien d'autres... Et de fait il est vrai que partout en France il faut avoir l'assentiment des français pour exister, mais qu'en est il au plan international ? Enfin bref je me posais simplement la question, j'y reviendrai plus tard je n'ai plus de temps.
Ciao !
Cher Benjamin,
Excuse-moi de te répondre avec retard, mais le temps me manque sérieusement en ce moment. Etre publié en anglais exige les recours d'un traducteur dont le service sera grassement rémunéré.Seule une maison d'édition peut y parvenir ou alors il faut avoir une fortune personnelle et là encore, rien n'est gagné : le livre ainsi commercialisé à l'étranger recevra-t-il un succès susceptible d'amortir les frais dégagés pour le diffuser ? Rien n'est moins sûr, ici comme dans d'autres domaines. Certaines maisons d'édition québéquoises, à l'aise avec les deux langues peuvent réaliser plus facilement cette opération. Je pense que je vais tenter ma chance dans cette direction.
Sinon, la France est un pays qui a su laisser ses traces dans le monde entier et il y a même des penseurs plus appréciés aux Etats-Unis qu'en France (Derrida par exemple). Il semblerait qu'en France, l'absence de sélection dans le domaine de la publication (c'est un paradoxe puisqu'on n'a jamais sorti autant de livres et qu'il n'a pourtant jamais été aussi difficile de se faire publier), l'inflation de livres insignifiants sur le plan de la pensée, ne gêne pas les éditeurs qui défendent des livres "coups de coeur" sans se demander vraiment s'ils recèlent intrinsèquement une valeur quelconque (à part qu'ils sont bien écrits). Le problème est dense : l'homme de culture française s'asphyxie de références littéraires à haute valeur stylistique ajoutée sans se demander si son écrit comporte une prise sur le réel.Or,la qualité de l'écriture est nécessaire (c'est le minimum quand même) mais non suffisante. Du coup, des hommes de culture étrangère, avec des univers bien moins tranquilles que les drames intimistes qu'on nous sert à la louche ici, nous ramènent à ce que la littérature peut être. Du coup, ce qu'on autorise aux auteurs étrangers (et ce pourquoi on les loue) est curieusement proscrit chez les français ! Voilà où nous en sommes !Et est-ce que ça changera ? Je ne sais pas : les décisionnaires semblent s'être assoupis sur un monticule d'auto-satisfaction. La léthargie a gagné les esprits les plus pointus ; la crise n'arrangera rien.
Excusez-moi pour ces quelques pensées pessimistes.
Reine.
question : Reine est-ce votre vrai prénom (votre nom complet est "Reine Bale") ou un pseudo ? - dans tous les cas, vous vous prenez vraiment trop au sérieux et, dommage, vous n'avez pas les épaules pour.
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