C'est un véritable enjeu pour un écrivain d'être lu, et c'est de toute façon assez difficile qu'il soit publié ou non par une maison d'édition. Dans le fond, le contexte actuel n'y change pas grand chose: un écrivain a toujours dû faire preuve de ténacité pour obtenir cette reconnaissance tellement briguée. C'est lui et toujours lui qui tient sa propre légitimité à exister comme il s'est défini. Ce n'est pas la maison d'édition qui fait l'écrivain ; en enfonçant cette porte ouverte, on s'ouvre aussi la possibilité mentale de s'autonomiser par rapport à cette question. L'écrivain doit créer sans s'interroger sur le devenir de sa création ; s'il est édité rapidement, tant mieux pour lui. S'il ne l'est pas, il ne doit pas agréger toute son activité à cette question. J'en sais quelque chose...
Bien sûr, il y a le découragement, bien sûr, il y a le doute sur le contenu même de ce qui est écrit : c'est une voie un peu sacerdotale parfois. Et l'envie de renverser la vapeur : après tout ne serait-il pas plus normal que les éditeurs cherchent un peu pour nous trouver ? Nous entretenons trop leur autorité en leur présentant sans qu'ils le demandent (et sans qu'ils le désirent parfois) le fruit de notre travail. On les blase, on les ennuie ; ils deviennent de vieux rois fatigués et capricieux, qui au fond d'eux méprisent les doléances de leurs sujets. Ils savent ce pouvoir qu'ils ont sur nous,même s'il les dégoûte. Ca fait partie de sale boulot que de dire "non". Et il y a toujours un sale boulot, y compris dans les métiers les plus nobles : un prof qui met un zéro, un médecin qui vous annonce le pire, un fleuriste chargé de décorer la tombe d'un proche. La basse besogne en un mot. Les éditeurs, eux, ne sont pas bien fiers des lettres type qu'ils envoient, mais le nombre, le nombre...un vrai peuple d'insectes ces écrivains ! Ils sortent de partout comme les cafards le long des tuyaux souterrains. L'insecticide pour les écrivains, c'est la lettre-type. Avec ça, y'en a pléthore qui vont se retourner sur leurs carapaces, les pattes en avant, à brasser du vent jusqu'à l'agonie. Ca gueule un coup contre notre boulot, mais ils rêvent que d'une chose ces prétentieux d'écrivains, c'est de pavaner dans nos bureaux à lancer moitié-des gentillesses, moitié-des-mots-d'esprit à celui qui les fait vivre, exister, "mon éditeur" comme ils disent -et il faut bien appuyer sur le possessif, car c'est des relations privilégiées, pas de la vassalité ! Ah ce tact avec lequel je ne lui montre jamais ô combien il dépend de moi.
Bien sûr, il y a le découragement, bien sûr, il y a le doute sur le contenu même de ce qui est écrit : c'est une voie un peu sacerdotale parfois. Et l'envie de renverser la vapeur : après tout ne serait-il pas plus normal que les éditeurs cherchent un peu pour nous trouver ? Nous entretenons trop leur autorité en leur présentant sans qu'ils le demandent (et sans qu'ils le désirent parfois) le fruit de notre travail. On les blase, on les ennuie ; ils deviennent de vieux rois fatigués et capricieux, qui au fond d'eux méprisent les doléances de leurs sujets. Ils savent ce pouvoir qu'ils ont sur nous,même s'il les dégoûte. Ca fait partie de sale boulot que de dire "non". Et il y a toujours un sale boulot, y compris dans les métiers les plus nobles : un prof qui met un zéro, un médecin qui vous annonce le pire, un fleuriste chargé de décorer la tombe d'un proche. La basse besogne en un mot. Les éditeurs, eux, ne sont pas bien fiers des lettres type qu'ils envoient, mais le nombre, le nombre...un vrai peuple d'insectes ces écrivains ! Ils sortent de partout comme les cafards le long des tuyaux souterrains. L'insecticide pour les écrivains, c'est la lettre-type. Avec ça, y'en a pléthore qui vont se retourner sur leurs carapaces, les pattes en avant, à brasser du vent jusqu'à l'agonie. Ca gueule un coup contre notre boulot, mais ils rêvent que d'une chose ces prétentieux d'écrivains, c'est de pavaner dans nos bureaux à lancer moitié-des gentillesses, moitié-des-mots-d'esprit à celui qui les fait vivre, exister, "mon éditeur" comme ils disent -et il faut bien appuyer sur le possessif, car c'est des relations privilégiées, pas de la vassalité ! Ah ce tact avec lequel je ne lui montre jamais ô combien il dépend de moi.