Après la page de journal intime qui forme l'incipit et dont la vocation est de permettre au lecteur de surprendre in medias res (au milieu des choses) l'héroïne en extase, deux possibilités ensuite s'offrent au créateur : soit il poursuit dans cette veine où la jouissance de l'intime s'auto-génère, soit il se demande au contraire comment positionner son personnage dans un espace critique qui conduit son image idéale du moi vers l'aporie. Pour ma part, j'ai choisi l'obstacle pour l'héroïne plutôt que la veine intimiste ; à cela deux raisons : l'une est d'ordre esthétique, l'autre est d'ordre logique. D'abord si je continue avec ce "je", à aucun moment une autre voix ne pourra se faire entendre : le rythme risque d'être monotone, l'atmosphère étouffante, et l'oeuvre nombriliste par absence de recul vis à vis de ce "je". Il m'est souvent arrivé de lire des oeuvres qui ne parviennent pas à sortir de cette ornière dans la littérature contemporaine française. Dans la logique de la narration, en employant continuellement "je", on risque d'épouser le point de vue du personnage et donc de priver le narrateur d'une lucidité dont précisément manque le personnage puisqu'il ne voit que lui. Or, si l'on veut que l'oeuvre ouvre sa focale sur le monde, il va falloir trouver le mode narratif le plus approprié à la fois pour rendre compte de l'intériorité du personnage et de ce qui l'entoure.
J'ai opté, donc, pour continuer l'incipit la narration omnisciente avec une grosse fréquence de point de vue interne :
"En relisant ces quelques lignes écrites dans son journal quelques mois auparavant, Arielle put vérifier une fois de plus que ni ses trente ans d'âge, ni la vie de couple n'avaient pu porter l'amour qu'elle vouait à un homme devant la griserie d'un plaisir solitaire. Il fallait peut-être y voir un problème physique, une difficulté concrète à obtenir une jouissance aussi intense seule qu'avec un homme. L'hypothèse lui semblait valable mais insuffisante : une défaillance si courante chez les femmes pouvait laisser supposer que l'orgasme n'était rien d'autre qu'un paroxysme d'excitation, qu'un mot enflé pour une réalité souvent moins éclatante. Pour elle, le sexe avec un homme ne pouvait être sur le plan des sensations physiques qu'un complet ratage ou une semi-réussite ; l'orgasme ? "un mensonge qu'on aime bien se raconter". L'illusion de part et d'autre était donc intégrale. Une mystification totale. Toutes ces salades sexuelles finissaient par l'énerver et invariablement, elle en revenait à ses habitudes de petite branleuse.
Arielle avait-elle pour autant renoncé à l'amour ? Non, car elle n'était pas femme à faire un choix aussi radical."
J'ai opté, donc, pour continuer l'incipit la narration omnisciente avec une grosse fréquence de point de vue interne :
"En relisant ces quelques lignes écrites dans son journal quelques mois auparavant, Arielle put vérifier une fois de plus que ni ses trente ans d'âge, ni la vie de couple n'avaient pu porter l'amour qu'elle vouait à un homme devant la griserie d'un plaisir solitaire. Il fallait peut-être y voir un problème physique, une difficulté concrète à obtenir une jouissance aussi intense seule qu'avec un homme. L'hypothèse lui semblait valable mais insuffisante : une défaillance si courante chez les femmes pouvait laisser supposer que l'orgasme n'était rien d'autre qu'un paroxysme d'excitation, qu'un mot enflé pour une réalité souvent moins éclatante. Pour elle, le sexe avec un homme ne pouvait être sur le plan des sensations physiques qu'un complet ratage ou une semi-réussite ; l'orgasme ? "un mensonge qu'on aime bien se raconter". L'illusion de part et d'autre était donc intégrale. Une mystification totale. Toutes ces salades sexuelles finissaient par l'énerver et invariablement, elle en revenait à ses habitudes de petite branleuse.
Arielle avait-elle pour autant renoncé à l'amour ? Non, car elle n'était pas femme à faire un choix aussi radical."
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