mercredi 15 octobre 2008

Fin -Une mort dans l'âme

L'infirmière conduisit Xavier au chevet de son ami, avec l'air grave de circonstance qui laissait deviner que la fin approchait. C'était maintenant un homme en morceaux : son corps décharné jusqu'à l'os, sa peau fripée, l'oeil chassieux et la respiration suffoquée donnaient à Xavier le spectacle le plus tragique qu'il lui fut donné de voir. Sa compagne n'était pas encore là ; elle allait arriver avait-elle prévenu. Patrick implorait Xavier de son regard : pouvait-il le sauver ? avait-il l'air de lui demander. Non, il fallait non seulement qu'il meure mais aussi qu'il se retrouve complètement seul face à la plus douloureuse des épreuves. Xavier eut du mal à contenir ses larmes ; Patrick lui fit signe d'avancer en tendant sa pauvre main où saillaient ses veines bleuies de sang séché. "Viens" fit-il fébrilement en reprenant à grand peine sa respiration. Il serra la main de Xavier de toutes ses forces.
"Il faut que tu vives maintenant...que tu vives. Ne diffère plus". Ce furent les derniers mots que Patrick prononça avant de fermer les yeux et de plonger dans sa nuit. C'était fini : Patrick venait de sombrer dans un coma duquel il ne revint plus. Le surlendemain, il était mort.
Après son enterrement, Xavier songea aux mots de son ami. Ca lui parut comme une énigme au départ, une énigme profonde émise par un ami qui avait déjà un pied dans l'au-delà. Puis l'envie de reprendre sa routine le rebuta ; il n'en pouvait plus.
"Vivre !" se répétait-il...vivre enfin ! "D'un coup les dernières paroles de Patrick s'étaient injectées dans ses réflexions ! Oui, il avait des désirs, oui, il n'avait qu'une vie : c'était bien ça ! Le monde virtuel ne lui donnerait jamais tout le charnu d'une bouche de femme, les lycées ne lui apporteraient jamais la part de rêve à laquelle tout un chacun aspire ! Ses désirs, quand il les faisait défiler sous ses paupières mi-closes, c'étaient des livres qu'il écrivait, des rencontres à l'autre bout du monde...Et pourquoi pas lui ? Pourquoi ? D'un coup, le principe de réalité lui parut trop faible, trop mesquin... Il envoya valdinguer ses cours, ses copies. Il se tourna vers son ordinateur et pris d'une rage euphorique, il le saisit et le laissa tomber sur le sol. Il en observait les morceaux épars et sourit : il commençait à être libre.

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