Comme vient de le faire remarquer Manuel Montero, j'ai demandé à Léo Scheer de retirer mes manuscrits de son site. Je m'en expliquerai. Mais d'abord, pour que les internautes qui passent par là comprennent de quoi il s'agit, en voici deux mots : Léo Scheer est éditeur ; il permet aux écrivains qui le souhaitent de placer librement sur son site un manuscrit qui sera mis en ligne, téléchargeable, et exposé aux critiques des lecteurs dans une page de commentaires qui leur est destinée. Le manuscrit n'est pas corrigé ni sélectionné par l'éditeur (il est bon de le préciser).
J'ai mis en ligne deux nouvelles et un roman sur ce site : quel en est le bilan ?
1) un bilan statistique :
-ma première nouvelle "L'éditeur et le Néant" a eu beaucoup de succès : entre les lecteurs en ligne et les téléchargements : pratiquement 400 personnes. 21 commentaires dans l'ensemble assez élogieux.
-deuxième nouvelle : "L'échange" : téléchargements + lecteurs en ligne=240 personnes. 7 commentaires plutôt favorables (sauf 1 : celui de Dahlia)
-troisième mise en ligne : roman L'âge de déraison : téléchargements + lectures en lignes = 130 ; encouragements de Manuel Montero (merci) qui me lit avec autant de plaisir que Dahlia (sauf qu'elle est davantage pressentie pour une publication que moi : j'espère que seule la qualité de son travail en serait la raison)
A la lecture de ce bilan, il ressort que le nombre de lecteurs décroît au fil des mises en ligne. Par contre le nombre d'écrivains croît exponentiellement puisque aucune pré-sélection n'est mise en place. Les lecteurs n'ont pas le temps de prendre connaissance de toutes les nouvelles livraisons (dix manuscrits hebdomadaires). La visibilité des écrivains est de moins en moins réelle.
2) aspects positifs
-d'abord, on met le pied dans une maison d'édition et on peut très facilement communiquer avec l'équipe (elle est agréable et compétente). Monsieur Scheer est bienveillant et ouvert. Je le respecte beaucoup.
- un site de maison d'édition, ça fait sérieux : on vous lira (au total avec mes trois mises en ligne : 800 lecteurs ou visiteurs). Le nombre est là.
-On se sent exister un peu : on sort de son cercle fermé, restreint à quelques proches pour s'exposer. Les critiques, les commentaires, les éloges : ça fait du bien. Même la méchanceté, de temps en temps, ça fait du bien.
-C'est une excellente façon de voir comment votre livre est perçu (les gens qui fréquentent ce site sont eux-mêmes des lecteurs assidus, des écrivains, des blogueurs...)
-Si la maison d'édition "craque" sur votre livre, elle peut même le rétropublier; cela a déjà été fait pour Barberine qui a écrit Rater mieux (le choix est indiscutablement bon)
3) aspects négatifs
- Cette expérience sans être inutile, n'a presque aucun effet sur la notoriété de l'écrivain: moi, j'ai eu des lecteurs, pas mal de commentaires et aucune maison d'édition n'est venue me voir. Il faut avant tout prendre cette possibilité comme une tentative expérimentale et ne rien espérer d'autre. Quand on va sur ce site, on est la plupart du temps considéré comme "en devenir"et pas comme un écrivain abouti. Il y aurait quand même quelques rares exceptions (apparemment cinq personnes auraient trouvé un éditeur, mais je ne sais pas qui et pour quel livre)
- L'accès gratuit devient dérangeant à force : on travaille, on s'expose, on amène du monde sur le site hébergeur et en retour, rien. A la longue, c'est presque un esclavage volontaire ! Je pensais que les nouvelles rencontrant le plus la faveur du public et de l'éditeur trouveraient un jour une suite dans un ouvrage collectif...mais non !
- On se rend compte au fil du temps que la publication par choix qualitatif est très rare dans une maison d'édition. Peut-être précisément que l'expérience "M@nuscrits" changera les choses, mais hors de ce circuit, on peut observer que les auteurs qui ont eu récemment des parutions dans cette maison, Angie Davis et sa Marilou(Angie Davis d'ailleurs n'hésite pas à donner des conseils pour se fringuer sur le site d'un éditeur !), Serge Safran, Nathalie Reims on tous déjà un pied dans le milieu (Sege Safran est lui-même éditeur)... Ca ne fait pas toujours très sérieux tout ça. C'est vraiment dommage pour Léo Scheer qui par ailleurs est vraiment audacieux et d'une approche très humaine.
- il ne faut pas croire que vous aurez l'avis de l'éditeur du site qui vous héberge (cela manque parfois); ce problème est d'ordre juridique, mais un écrivain a besoin de ce regard des professionnels pour comprendre pourquoi un tel est apprécié tandis que l'autre ne l'est pas.
Conclusion : On n'a pas envie de plonger dans le discours outré de Wrath, mais on finit par se poser les mêmes questions. Rien à reprocher à cette expérience sinon qu'on espère plus qu'elle ne peut donner ; d'ailleurs Léo Scheer maîtrise très bien cette incertitude qui vous tenaille : il n'en dit jamais trop mais il sait à l'avance qui il a envie de publier (et nous, on traîne avec un espoir pathétique). Quand je suis partie de son site, il ne m'a quand même pas retenue mais a été très poli...
J'ai mis en ligne deux nouvelles et un roman sur ce site : quel en est le bilan ?
1) un bilan statistique :
-ma première nouvelle "L'éditeur et le Néant" a eu beaucoup de succès : entre les lecteurs en ligne et les téléchargements : pratiquement 400 personnes. 21 commentaires dans l'ensemble assez élogieux.
-deuxième nouvelle : "L'échange" : téléchargements + lecteurs en ligne=240 personnes. 7 commentaires plutôt favorables (sauf 1 : celui de Dahlia)
-troisième mise en ligne : roman L'âge de déraison : téléchargements + lectures en lignes = 130 ; encouragements de Manuel Montero (merci) qui me lit avec autant de plaisir que Dahlia (sauf qu'elle est davantage pressentie pour une publication que moi : j'espère que seule la qualité de son travail en serait la raison)
A la lecture de ce bilan, il ressort que le nombre de lecteurs décroît au fil des mises en ligne. Par contre le nombre d'écrivains croît exponentiellement puisque aucune pré-sélection n'est mise en place. Les lecteurs n'ont pas le temps de prendre connaissance de toutes les nouvelles livraisons (dix manuscrits hebdomadaires). La visibilité des écrivains est de moins en moins réelle.
2) aspects positifs
-d'abord, on met le pied dans une maison d'édition et on peut très facilement communiquer avec l'équipe (elle est agréable et compétente). Monsieur Scheer est bienveillant et ouvert. Je le respecte beaucoup.
- un site de maison d'édition, ça fait sérieux : on vous lira (au total avec mes trois mises en ligne : 800 lecteurs ou visiteurs). Le nombre est là.
-On se sent exister un peu : on sort de son cercle fermé, restreint à quelques proches pour s'exposer. Les critiques, les commentaires, les éloges : ça fait du bien. Même la méchanceté, de temps en temps, ça fait du bien.
-C'est une excellente façon de voir comment votre livre est perçu (les gens qui fréquentent ce site sont eux-mêmes des lecteurs assidus, des écrivains, des blogueurs...)
-Si la maison d'édition "craque" sur votre livre, elle peut même le rétropublier; cela a déjà été fait pour Barberine qui a écrit Rater mieux (le choix est indiscutablement bon)
3) aspects négatifs
- Cette expérience sans être inutile, n'a presque aucun effet sur la notoriété de l'écrivain: moi, j'ai eu des lecteurs, pas mal de commentaires et aucune maison d'édition n'est venue me voir. Il faut avant tout prendre cette possibilité comme une tentative expérimentale et ne rien espérer d'autre. Quand on va sur ce site, on est la plupart du temps considéré comme "en devenir"et pas comme un écrivain abouti. Il y aurait quand même quelques rares exceptions (apparemment cinq personnes auraient trouvé un éditeur, mais je ne sais pas qui et pour quel livre)
- L'accès gratuit devient dérangeant à force : on travaille, on s'expose, on amène du monde sur le site hébergeur et en retour, rien. A la longue, c'est presque un esclavage volontaire ! Je pensais que les nouvelles rencontrant le plus la faveur du public et de l'éditeur trouveraient un jour une suite dans un ouvrage collectif...mais non !
- On se rend compte au fil du temps que la publication par choix qualitatif est très rare dans une maison d'édition. Peut-être précisément que l'expérience "M@nuscrits" changera les choses, mais hors de ce circuit, on peut observer que les auteurs qui ont eu récemment des parutions dans cette maison, Angie Davis et sa Marilou(Angie Davis d'ailleurs n'hésite pas à donner des conseils pour se fringuer sur le site d'un éditeur !), Serge Safran, Nathalie Reims on tous déjà un pied dans le milieu (Sege Safran est lui-même éditeur)... Ca ne fait pas toujours très sérieux tout ça. C'est vraiment dommage pour Léo Scheer qui par ailleurs est vraiment audacieux et d'une approche très humaine.
- il ne faut pas croire que vous aurez l'avis de l'éditeur du site qui vous héberge (cela manque parfois); ce problème est d'ordre juridique, mais un écrivain a besoin de ce regard des professionnels pour comprendre pourquoi un tel est apprécié tandis que l'autre ne l'est pas.
Conclusion : On n'a pas envie de plonger dans le discours outré de Wrath, mais on finit par se poser les mêmes questions. Rien à reprocher à cette expérience sinon qu'on espère plus qu'elle ne peut donner ; d'ailleurs Léo Scheer maîtrise très bien cette incertitude qui vous tenaille : il n'en dit jamais trop mais il sait à l'avance qui il a envie de publier (et nous, on traîne avec un espoir pathétique). Quand je suis partie de son site, il ne m'a quand même pas retenue mais a été très poli...
12 commentaires:
merci de nous faire partager vos expériences et votre bilan chez Léo Scheer. C'est très instructif. A mon humble avis, il me semble que vous avez eu la bonne réaction en vous retirant de ce site, malgré tout ce qu'il pouvait vous apporter. Attendre sans fin le bon vouloir de quelqu'un, c'est épuisant pour le moral et votre énergie...
Bonjour Reine,
votre retour d'expérience est en effet très instructif. Je voulais savoir, concernant les stats, quelle avait été la durée "d'exposition" ? Cette solution ne peut être, il me semble, qu'un pis aller : sans promotion appuyée, sans réel modèle économique il est évident que la frustration est grande. L'impression de publier comme on jette une bouteille à la mer ne peut pas être satisfaisante sur du long terme.
Avez-vous d'autres pistes pour la diffusion ? Vous avez évoqué lulu.com, mais j'ai l'impression que les points négatifs (à part la gratuité) sont aussi présents sur cette plateforme de diffusion. Le soucis majeur d'un artiste reste toujours la visibilité et la légitimité qu'il est difficile d'acquérir en dehors des sentiers battus. Internet propose des moyens de contourner certains obstacles (mais avec des modèles économiques très différents) mais souvent en contrepartie néglige ces deux points : la profusion et l'absence de "filtre" qualitatif empêche cette visibilité et cette légitimité dont a besoin un auteur pour exister.
Je me dis que, peut-être, vous auriez eu intérêt de laisser au moins une nouvelle chez Léo Scheer, mais je comprends que vous ne souhaitez faire aucune concession.
A bientôt.
Cher Sébastien,
Voici ma réponse à ta question : la première nouvelle a été placée en mars, la seconde en avril et le roman fin septembre. Donc une visibilité de huit mois pour les nouvelles et moins pour le roman. Mais les internautes s'accommodent mieux d'une lecture courte sur ce genre de support que de la lecture d'un roman. (La lecture à l'écran n'est pas très confortable tout de même).
Pour ce qui est de la diffusion...c'est le problème pour tout le monde, pour tous les supports y compris pour les maisons d'édition elles-mêmes.
Lulu.com n'est pas une panacée ; c'est un pis aller. Mais, en attendant mieux, j'ai demandé à toutes les personnes autour de moi (y compris le libraire) de remplir une souscription s'ils souhaitent se procurer le livre (et bientôt les livres). Au total, j'ai récolté presque une centaine de souscriptions. C'est peu, trop peu ; mais plutôt que d'avoir des photocopies entre les mains,les lecteurs auront un livre. Et qui sait...il faut parfois compter sur l'effet boule de neige.J'en reparlerai en détail demain dans un billet de blog pour tous ceux que ce procédé intéresse.Reine.
Je comprends ce que vous dites.
Mon texte aussi est sur M@nuscrit. Et voilà ce que je me dis : mon texte a eu une centaine de lecteurs (je ne compte que ceux qui ont téléchargé mes nouvelles). Peu de commentaires, donc sans doute, peu de succès... Mais j'essaie d'être réaliste : sincèrement, par un circuit dit "normal" combien de lecteurs aurai-je eu ? (A lire cet article : http://bibliobs.nouvelobs.com/20081030/8211/le-cauchemar-du-pilon)
Ma deuxième réflexion provient de l'écoute des diverses interventions de Le Clézio, où il apparait qu'il écrit avant tout pour lui-même, pour savoir qui il est. Paradoxalement, se concentrant sur lui-même, il s'ouvre sur le monde, et touche, par ricochet le lecteur.
Par conséquent, (je ne parle que pour moi, sans vouloir imposer quoi que ce soit), voilà ce que je me dis : si vouloir être lu, c'est comme vouloir être aimé, peut-être faut-il mieux me concentrer sur mon travail, et non plus sur la réception de celui-ci. Parce que ce n'est pas cela qui est important
Cher Michel,
Je viens de prendre connaissance de votre message et je comprends ce que vous dîtes. Le site de Monsieur Scheer a incontestablement ce mérite d'amener des lecteurs (je l'ai d'ailleurs précisé dans ce billet) ; cette expérience, j'en suis riche, pas amère. Mais on peut atteindre un stade où l'expérimentation ne suffit plus ; on souhaite aller plus loin non pas par vanité (on ne va quand même pas reprocher aux écrivains de souhaiter être édités, ce serait complètement absurde) , mais par souci de cohérence. C'est une démarche qui consiste à se demander si le propos tenu dans tel ou tel écrit est porteur d'universel et pas simplement le plaisir que l'on se fait d'écrire.
Reine
Très instructif, en effet. Je vous remercie de nous faire partager cette expérience.
Il va de soi que je vous approuve de vous être retirée de M@nuscrits.
Reine, votre position est de bon sens, c'est celle d'une artiste qui s'est retrouvé sur un babillard mondain qui ne vaut pas reconnaissance. S'exposer c'est prendre un risque et M@nuscrit me semble une utopie propre à affadir ce qu'un auteur véritable porte en lui et au-dehors de lui. Votre geste fait que vous êtes la seule que j'aurais lu avec plaisir chez ce bon vieux Léo !! Parce qu'il est de quelqu'un qui porte en soi un monde singulier, un authentique rapport à l'art.
Bonjour
Je trouve votre envie d'aller plus loin très légitime
Cependant, pour être cohérent avec le sujet de votre livre, vous auriez dû commander votre exemplaires chez un éditeur en ligne français du style thebookedition.com qui est meilleur, plus rapide et moins cher en prenant en compte les frais d'envoi
Même si votre style n'est pour moi pas assez poétique, un peu trop replié sur lui-même, le sujet est tout de même très fort, tout à fait viril et j'apprécie
Je ne doute pas que vous finirez par trouver un éditeur de poids un de ces jours
En attendant, cela vous intéresserait-il d'échanger un lien avec mon blogroman "Les Mariés du Darfour" qui s'inscrit dans la même veine de révolte et de changement en vue d'un monde plus juste et plus chaleureux
Merci de me répondre sur mon blog, je peux vous faire connaitre à pas mal de monde sur over-blog
http://darfour.over-blog.net/
Je ne sais pas combien vous ont couté vos 100 exemplaires chez lulu, moi j'ai fait imprimer 100 exemplaires de "Yahvé" (80 pages) chez un imprimeur de Quimper pour 200 €
http://cecyl.over-blog.com/
Quelques réponses : d'abord à Gérard.Vraiment, je suis touchée par votre réflexion. Mais je ne voudrais pas vous laisser penser que j'en ai après Monsieur Scheer : il faut quand même savoir être reconnaissant envers ceux qui nous donnent une existence, si étroite soit-elle. Il n'avait rien promis ; il ne faut pas l'oublier.Songeons un instant à tous ces éditeurs qui ne daignent même pas se retourner sur nous. J'ai eu des lecteurs et sans ce site, je n'en aurais eu jamais peut-être. Ca n'est déjà pas si mal, c'est nécessaire mais pas suffisant. (ou plus suffisant).
Cécyl (le fameux pirate ?), bonjour.
Merci pour la recommandation (thebookedition); en effet, ça a l'air compétitif et ça peut aider une entreprise française. Chez Lulu, j'ai payé plus cher,(pas tellement plus cher) mais mon livre fait 50 de pages de plus que le vôtre. Pour ce qui est des Mariés du Darfour,je pense qu'il serait logique que j'en fasse d'abord la lecture. (Ca me semble raisonnable).Je ne sais pas, néanmoins, si ma conception de la littérature fait partie de cette démarche qui est la vôtre (à savoir,amener la chaleur humaine qui fait défaut à ce monde); peut-être est-ce cela, mais par surcroît pas par intention.Je viendrai voir votre blog.
Merci.
Reine
Bonjour Reine Bale
je parle de vous sur mon blog.
A bientôt!
Bonjour madame,
Pourriez-vous me dire comment ôter mon manuscrit de son site, car malgré plusieurs demandes je ne reçois aucune réponse.
gilles.cordillot@gmail.com
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